LG : « La R&D est notre meilleur atout face à la concurrence » (interview)

Au dernier Mobile World Congress, en février dernier, les observateurs ont été unanimes. Le Galaxy S7 est un beau produit, il n’a certainement pas été le plus disruptif. Samsung s’est en effet appuyé sur son haut de gamme précédent, le Galaxy S6, pour offrir une mise à jour, certes élégante, mais sans apporter quelque chose de vraiment nouveau.

En revanche, le G5 de LG, premier smartphone commercial modulaire, a clairement joué le jeu de l’innovation. Avec le recul, il s’avère que Lenovo a eu la même idée, avec le Moto Z. Mais LG a su démontrer qu’il était possible d’être en rupture. Bien sûr, il y a le côté marketing, où tous les accessoires connectés deviennent opportunément des « Friends ». Mais le Magic Slot, lui, est nouveau. Cela suffira-t-il pour relancer la marque, que ce soit au niveau mondial ou en France. Nous avons posé la question à Cathy Robin, directrice de la division mobile chez LG France.

Cathy Robin, directrice de la division mobile chez LG France, avec le G5

Comment se porte la marque LG sur le marché français de la mobilité ?

Le marché français est très chahuté depuis l’arrivée des nouvelles marques chinoises qui cassent les prix des terminaux. Puisque nous ne pouvons pas nous aligner, LG, comme d’autres marques historiques, doit concentrer ses forces sur les segments où sa valeur ajoutée fait la différence pour parvenir à conserver ses parts de marché. Grâce à certaines actions commerciales, mais aussi grâce à un catalogue qui s’étoffe à nouveau, nous avons gardé notre rang sur le marché français, mais aussi nos parts de marché en valeur. Nous avons même gagné du terrain chez les opérateurs.

Quelles sont ces actions commerciales ?

Nous avons décidé de nous recentrer sur les canaux de la distribution spécialisée, physiques et en ligne, ainsi que les opérateurs. Ce sont des points de vente intéressants pour une marque comme LG, car les consommateurs peuvent échanger avec des vendeurs qui leur expliquent la spécificité de nos produits. Nous travaillons avec trois des quatre opérateurs français, Orange, Bouygues Telecom et Free Mobile, ainsi que deux MVNO, NRJ Mobile et La Poste Mobile. Nous avons sciemment décidé de ne pas collaborer avec SFR cette année. Nous avons parallèlement décidé de ne plus travailler avec la grande distribution alimentaire. Un téléphone sur deux y est vendu à un prix inférieur à 100 euros. Notre catalogue ne nous permet plus d’adresser ce segment de prix.

LG K10

Quel type de client cherchez vous en magasin que vous ne trouvez pas en grande surface ?

Nous avons deux cibles potentielles dans les réseaux de distribution physique. D’abord, les acheteurs pragmatiques qui souhaitent un téléphone fonctionnel, qualitatif et abordable. Nous leur proposons la série K. Le K4, notre premier prix autour de 129 euros se vend particulièrement bien auprès d’eux. La seconde cible est l’amateur de technologie pour qui nous organisons des démonstrations. Nous leur proposons le G5 et ses différents modules. Nous leur montrerons également les premiers terminaux de la série X. Nous allons, de plus en plus, chercher les marchés de niche où notre savoir-faire technologique acquis grâce à nos filiales, LG Display (écran), LG Chem (batterie) ou encore LG Innotek (capteur photo), est un atout différenciateur.

Le même principe peut-il vraiment s’appliquer sur le milieu de gamme ?

Oui, nous pensons que la même stratégie est applicable sur ce segment de marché. Avec la série X, nous apporterons une technologie innovante issue de nos laboratoires. Un écran secondaire avec le X Screen. Un double capteur photo avec le X Cam. Ou encore une batterie haute capacité avec le X Power. Les tarifs de cette gamme s’échelonnent entre 200 et 300 euros, et cela sans faire de compromis sur le reste de la configuration du téléphone. Les X Screen et X Cam seront disponibles dans le courant du mois de juin. Le X Power le sera dans le courant du troisième trimestre. Et d’autres modèles enrichiront la gamme progressivement.

Cette différence n’a-t-elle pas un coût trop cher face à la nouvelle concurrence ?

Nos laboratoires de recherche et développement représentent en effet un investissement considérable. Nous avons également des frais de structure significatifs. Ces deux éléments combinés, nous ne pouvons concurrencer les tarifs pratiqués par les nouvelles marques chinoises. Cependant notre marque est appréciée, notre repositionnement commercial consolidera nos positions et nous fidéliserons plus facilement nos clients grâce à des innovations technologiques qui enrichissent l’expérience de l’utilisateur.

LG G5 et son Magic Slot

Votre dernier flagship, le G5, s’appuie justement sur l’enrichissement grâce à ces modules. Quels sont vos objectifs commerciaux sur les modules liés au Magic Slot ?

Nous n’avons pas d’objectifs de vente sur les modules. Le Cam Plus est un accessoire qui a souvent été offert avec les précommandes. Et le Hi-Fi Plus est un module haut de gamme dont la qualité convainc chaque personne qui le teste. Mais il est vendu 200 euros et il vient en supplément du smartphone, proposé à 699 euros prix public conseillé. La modularité du G5 a d’abord été intégrée pour créer de l’enthousiasme autour de la marque LG, mais aussi de la visibilité pour améliorer notre notoriété. Et, en cela, notre objectif a été atteint. De plus, nous sommes très fiers d’avoir réussi à innover à un moment où notre industrie a beaucoup de difficulté à se renouveler.

Toujours sur le haut de gamme, pourquoi ne pas avoir proposé le V10 en France ?

La série V est une nouvelle série chez LG dont le positionnement est au-dessus de la série G. Les mobiles qui y seront proposés sont des terminaux d’exception, offrant une grande taille d’écran et toute l’expertise technologique du groupe. Le prix de ces terminaux va de pair avec ce positionnement. Nous avons lancé le V10 sur les marchés où LG est l’une des marques leader. C’est le cas en Corée du Sud, ainsi qu’aux États-Unis. Outre-Atlantique, le V10 a réalisé un excellent démarrage, avec 450 000 unités vendues en 45 jours. En France, notre position sur le marché ne nous permet pas aujourd’hui d’implanter la gamme V. Nous avons par exemple assez peu vendu de G Flex 2 dans l’Hexagone, car son positionnement était très haut de gamme. Nous nous concentrons donc sur la série G.

Pensez-vous commercialiser en France le G5se ?

Nous n’avons pas encore arrêté notre décision sur ce point. Des discussions sont en cours au sein du groupe LG pour étudier la pertinence de ce lancement.

Certains constructeurs concurrents estiment que l’entrée de gamme n’est plus rentable, compte tenu de cette même concurrence chinoise. Qu’en pensez-vous ?

Il est vrai que la plupart des acteurs historiques abandonnent progressivement le marché entrée de gamme où la compétition est forte. Pour notre part, nous continuons à animer notre segment entrée de gamme avec la série K, d’abord avec le K4, déjà disponible, puis les K8 et K10 qui arriveront très rapidement, tous vendus sous la barre des 200 euros. Grâce aux soutiens de nos partenaires opérateurs, ces modèles fonctionnent commercialement et économiquement. Nous sommes aujourd’hui satisfaits des performances de la gamme K.

LG Nexus 5X

Quels sont les retours sur le Nexus 5X ?

Les performances du Nexus 5X ont été moins bonnes que celles du Nexus 4 et du Nexus 5, lesquels ont été toutes les deux largement plébiscitées par les fans de la gamme Nexus. Avec le recul, nous pensons que son positionnement prix n’était pas totalement en adéquation avec la réalité du marché et avec les attentes du public de Google, même si nous ne sommes pas les seuls décisionnaires sur ce point.

La G Watch Urbane 2 est la première smartwatch 3G. Quels sont les premiers retours ?

Les premiers retours sont très bons, de la part de l’opérateur Orange, mais aussi des distributeurs et des consommateurs. Il s’agit de la première montre totalement autonome, puisque sa carte SIM véhicule des données, mais aussi la voix. Nous avons choisi de nous associer à Orange, car c’est le seul opérateur à proposer des offres adaptées aux accessoires connectés avec ces deux composantes. Toutefois, les volumes devraient rester modérés.

Les G Watch Urbane 2 et G5

Avec le G5, nous parlons beaucoup modularité. Mais un autre sujet anime les conversations : la réalité virtuelle. Y croyez-vous vraiment ?

Nous estimons en effet que cela a vraiment du sens, parce que les contenus et les applications vont se multiplier. Parmi les accessoires du G5, nous proposons non seulement le casque pour visionner, mais aussi une caméra pour produire. Nous pensons que le contenu amènera la démocratisation de l’usage et de la technologie. Et pas uniquement auprès des consommateurs, mais aussi des entreprises qui nous sollicitent régulièrement pour intégrer des applications de réalité virtuelle dans leur activité professionnelle.

Propos recueillis par Samir Azzemou et Stéphane Deschamps.